Last flight, Air base 705, Tours, France


Morceaux de cuir, bobines de fil, harnais et outils en tout genre accrochés au mur, machines à coudre… Dans son petit atelier blérois, Mathieu Hougron semble ne manquer de rien, si ce n’est de place. « 2020 aurait dû être une année pivot. J’aurais dû m’installer dans un atelier plus grand, avec plus de matériel… Ici, je n’ai que deux postes de travail : un pour la couture, l’autre pour le reste (découpage, collage…). Le prochain atelier aura un poste pour chaque étape. Il sera plus fonctionnel et plus rentable, au niveau du temps notamment », commence-t-il par expliquer dès notre arrivée. Sellier-harnacheur, il fabrique et répare des articles en cuir pour chevaux et cavaliers, comme des selles ou des harnachements. À l’occasion, il s’occupe également d’objets divers, telles que des valises. S’il a besoin de plus de place, c’est aussi parce qu’il aime travailler à l’ancienne, avec des machines qui peuvent être légèrement encombrantes. « Je suis un peu roots dans ma façon de travailler, j’aime utiliser de vieilles techniques et de vieux matériels », assure-t-il en montrant l’une de ses machines, datant de 1921. Si l’agrandissement a été repoussé par la Covid, il espère pouvoir s’installer dans son nouvel atelier l’année prochaine.
« Vivre d’une passion et d’un matériau noble comme le cuir, il n’y a pas beaucoup d’entreprises qui peuvent le faire. » Au départ, rien ne prédestine cet homme de 36 ans à se diriger vers ce métier. Il est fraiseur-mouliste sur machines à commandes numériques à Châteaubriant, d’où il est originaire, lorsqu’il part dix-huit mois aux États-Unis, dans un ranch du Wyoming, accompagné de Muriel, sa femme. Là-bas, Mathieu Hougron s’occupe de la maintenance, fait office d’homme à tout faire et, surtout, il découvre la sellerie auprès d’un cow-boy. « Il faisait le travail de ranch l’été et de la sellerie l’hiver », raconte-t-il. À partir de là, reprendre son quotidien lui paraît compliqué. « J’aimais mon ancien métier et je l’aime encore mais, quand on a passé plusieurs mois dans un ranch, il est difficile de retourner travailler entre quatre tôles. Au retour, nous nous sommes demandé ce que nous allions faire et puis nous avons l’opportunité de venir nous installer ici. » De ce voyage, il ramènera aussi ce qui est devenue sa spécialité : la sellerie western. Une spécialité que seule une dizaine de selliers pratique en France. « Ce qui m’intéresse dans le western, ce sont les designs, les motifs… Il y en a beaucoup selon les cultures. C’est un travail de précision », résume-t-il.
Installation en Touraine et ouverture de l’atelier En rentrant du pays de l’oncle Sam, il enchaîne quelques petits boulots pendant un an avant de partir en formation à la Roche-sur-Yon. Son CAP sellier-harnacheur en poche, il s’installe et ouvre son atelier en Touraine en 2013. « Au départ, j’avais aménagé un camion et j’allais de centre équestre en centre équestre. Dès que je voyais un cheval dans une propriété, je mettais une carte dans la boîte aux lettres. Ça a ensuite beaucoup fonctionné grâce au bouche-à-oreille. Ma participation aux journées européennes des métiers d’art en 2014 a aussi boosté ma carrière. » Il se réjouit désormais de voir son activité fonctionner parfaitement et ne regrette en aucun cas d’avoir franchi le pas du changement de vie. « Certaines choses ne sont pas évidentes, nous n’avons par exemple pas le confort d’un salarié », admet-il. Pour le couple, il est par exemple difficile de prendre des vacances. Mathieu Hougron confie alors qu’il regrette de ne pas avoir encore pu repartir aux États-Unis. « Maintenant que l’atelier et le ranch sont ouverts, c’est compliqué. Nous aimerions y retourner avec les enfants, quand ils seront plus grands, ou tous les deux car il y a pleins d’endroits que nous n’avons pas visités. » Mais il relativise : « Vivre d’une passion et d’un matériau noble comme le cuir, il n’y a pas beaucoup d’entreprises qui peuvent le faire. » Cette passion pour le monde équestre l’anime depuis qu’il est enfant. « Je tiens ça de mon père. Il est randonneur et dès que j’ai pu le suivre, vers sept ou huit ans, je suis allé avec lui », se souvient-il. Il a ensuite participé à de nombreux concours d’équitation western, où il a rencontré celle qui partage sa vie aujourd’hui. Un amour pour les chevaux qu’ils ont en commun et qui les fait même travailler ensemble. Le Blérois jongle en effet entre son activité de sellier-harnacheur et le ranch des Terres Noires, géré par Muriel. « Je l’aide aux écuries pour l’entretien et l’aménagement des locaux. À l’occasion, je fais aussi du débourrage. Et, de temps en temps, je monte à cheval. » Cette dernière activité, il aimerait sans doute la pratiquer plus régulièrement : « Je monte toujours, quand mon physique me le permet. Mais, quand je vais aux écuries, j’ai tendance à plus voir les choses qu’il reste à faire que de prendre un cheval pour aller me promener. » Cela ne l’empêche pas de rester positif et d’affirmer : « Nous continuons cependant à prendre plaisir dans notre métier. »








